Garantie décennale : à qui faire appel en cas de problème ?

Homme propriétaire discutant avec une professionnelle dans un salon moderne

En France, une entreprise qui réalise des travaux de construction engage automatiquement sa responsabilité pendant dix ans sur les dommages affectant la solidité de l’ouvrage. Pourtant, il n’existe aucun registre centralisé répertoriant les contrats d’assurance décennale souscrits par les artisans.La plupart des sinistres graves se manifestent plusieurs années après la réception des travaux, alors que certains professionnels ont cessé leur activité ou changé d’adresse. Les démarches pour activer la garantie impliquent souvent différents interlocuteurs et des délais stricts à respecter.

La garantie décennale : un pilier de la protection des constructions

Impossible d’imaginer un chantier sans assurance. La garantie décennale reste la pierre angulaire du secteur du bâtiment en France. Avant même de toucher la moindre truelle, chaque constructeur doit posséder une assurance décennale. L’exigence, ancrée dans le Code civil et affirmée par la loi Spinetta de 1978, ne protège pas seulement le commanditaire initial mais aussi tout acquéreur ultérieur du bien.

Côté durée, cette protection s’étend pendant dix ans à partir de la réception des travaux. Dès lors que la solidité est menacée, l’usage normal du bâtiment compromis, la décennale s’active, fondations défaillantes, charpente fragilisée, murs porteurs fissurés, problèmes d’étanchéité massif : rien n’est laissé au hasard. À noter : le constructeur engage sa responsabilité, même si le bien est vendu durant le délai de couverture.

Le maître d’ouvrage bénéficie d’un filet de sécurité double s’il souscrit, de son côté, une garantie dommages-ouvrage. Ce contrat permet un remboursement rapide en cas de dommages, sans attendre de trancher la question des responsabilités : l’assureur dommages-ouvrage, une fois l’indemnité versée, se tournera vers l’assurance décennale du professionnel.

Si un artisan peine à obtenir une assurance, le Bureau Central de Tarification entre en jeu : il impose à un assureur la délivrance du contrat, fixant la cotisation. Seule la franchise reste alors à la charge de l’entreprise responsable. Impossible pour l’artisan comme pour le client d’écarter la garantie décennale : son champ d’application échappe à toute négociation contractuelle.

À quels problèmes la garantie décennale s’applique-t-elle réellement ?

La garantie décennale cible un spectre précis : les malfaçons et dommages qui mettent en péril la solidité de la construction ou la rendent impropre à son usage. Infiltration massive d’eau, fissure inquiétante dans un mur porteur, dalle qui s’affaisse : chaque cas traduit une atteinte profonde à l’ouvrage. Sont principalement concernés les fondations, la charpente, l’étanchéité, mais également toitures, planchers, escaliers, balcons, terrasses et équipements indissociables comme le chauffage central intégré ou la plomberie encastrée.

Ce que la décennale prend, ou ne prend pas, en charge

Pour y voir clair, voici la frontière, souvent floue, entre ce qui relève et ce qui n’entre pas dans la garantie décennale :

  • Pris en charge : effondrement de plancher, défaut d’étanchéité avec infiltrations, rupture de charpente, affaiblissement des murs porteurs.
  • Non couverts :dommages esthétiques (légères fissures n’affectant pas la structure), usure normale, dégâts liés à une catastrophe naturelle, équipements dissociables (volets, radiateurs mobiles…), menus travaux ou finitions défectueuses.

En marge, la garantie biennale s’intéresse aux équipements facilement remplaçables sur une période de deux ans après réception. Quant aux défauts détectés dans l’année suivant la livraison, la garantie de parfait achèvement s’en charge. La décennale, elle, ne s’enclenche que pour les sinistres mettant en cause la robustesse du bâtiment ou son utilisation normale… et s’étend sur dix ans.

Quels interlocuteurs contacter en cas de malfaçon ou de sinistre ?

Un dégât survient après la livraison du chantier ? Il faut réagir sans attendre. En premier lieu, rapprochez-vous du constructeur ou de l’entreprise responsable des travaux. La première étape formelle : adresser une lettre de mise en demeure, par recommandé avec accusé de réception. Ce document, loin d’être une simple formalité, marque de façon nette le lancement d’une démarche de réparation et structure le dialogue.

À ce stade, mieux vaut ne rien laisser au hasard. Mandater un expert bâtiment indépendant peut s’avérer déterminant. Son rapport d’expertise détaillera la nature du désordre, évaluera la gravité des dommages et estimera le budget nécessaire à la remise en état. Cette pièce, clef dans la discussion, permet de faire valoir un diagnostic impartial, notamment si le litige prend un tour plus complexe.

Vient ensuite la déclaration du sinistre auprès de l’assureur décennale de l’entreprise. Pour celles et ceux qui ont bien souscrit une assurance dommages-ouvrage, il faut l’activer immédiatement ; cet assureur réglera la réparation sans attendre, puis entamera les démarches de recours contre l’assurance du constructeur.

Si l’impasse demeure ou si l’échange tourne au dialogue de sourds, l’intervention d’un avocat en droit de la construction peut changer la donne. Il sera là pour piloter la stratégie, négocier, voire aller en justice si aucune solution amiable n’aboutit. Ce soutien technique et juridique pèse souvent lourd dans l’issue du dossier.

Ouvrier de chantier avec un couple devant une maison en construction

Gérer un litige et défendre ses droits face à l’assurance

Déposer un dossier de sinistre ne garantit rien par avance. Parfois, l’assureur décennale refuse net d’intervenir, invoque l’exclusion du dommage, une déclaration tardive, voire une absence de réception officielle ou une cause extérieure au contrat.

La marche à suivre lors d’un litige implique de respecter des délais stricts : la compagnie d’assurance dispose généralement de 60 à 90 jours pour examiner la demande et se prononcer. Pendant ce laps de temps, il est primordial de réunir un rapport d’expertise solide, de conserver chaque échange, et de détailler méticuleusement la déclaration de sinistre. L’assureur va alors décortiquer la nature du dommage, sa gravité, son origine et déterminer l’existence ou non d’une responsabilité décennale.

Quand la rupture de dialogue s’installe, la procédure judiciaire devient parfois le seul recours. Un avocat spécialisé intervient pour affronter la compagnie d’assurance, demander une expertise judiciaire et défendre l’intérêt du maître d’ouvrage. Les décisions des tribunaux viennent régulièrement rappeler aux assureurs qu’ils ne peuvent réduire le champ de la garantie décennale selon leur interprétation ou via des clauses restrictives.

Au milieu de ces procédures, tout repose sur la capacité à anticiper, documenter et mobiliser chaque étape du dossier. Entre course contre la montre et accumulation de preuves, la solidité de la démarche fait pencher la balance. Là où la complexité du système tente parfois d’enfermer les particuliers, garder la main et refuser l’abandon de ses droits permet de voir, après la tempête, la réparation enfin amorcée.

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